Il eut, pendant des années, des victimes d’accidents parmi les usagers de la route qui ne bénéficiaient pas d’indemnisations. Les dommages qu’elles subissaient se mesuraient en fonction de leur degré de gravité et d’autres critères superflus, avant de décider si oui ou non, il fallait les indemniser. Cette façon de faire qui n’arrangeait guère les usagers de la route a été analysée et par la suite bannie en 1985 : la loi Badinter était née.
Depuis lors, les choses sont bien meilleures, mais tout le monde n’est pas encore au même niveau d’information. Certaines zones d’ombres ont besoin d’être éclairées pour une meilleure connaissance de cette loi dite salvatrice. Décryptage en 5 points, car nul n’est à l’abri d’un accident de la route.
Qu’est-ce que la loi Badinter ?
Les indemnisations dérisoires des victimes des accidents de la route ayant causé l’émoi chez les législateurs de plusieurs pays, la réaction ne sut tarder. En France, en 1985, Robert Badinter alors ministre de la Justice du gouvernement de François Mitterrand, fait voter la loi n°85-677 le 5 juillet. Celle-ci stipule que les passagers d’un véhicule accidenté (hormis le conducteur), les cyclistes et les piétons sont des victimes, peu importe qu’ils soient en tort ou pas. Ils doivent impérativement être indemnisés par l’assureur du conducteur.
Cette loi vient donc mettre un terme aux hésitations de la jurisprudence et aux arbitraires et cela se perçoit dans les objectifs visés. Cette prescription vise deux objectifs dont le premier est la définition claire des règles spécifiques relatives aux indemnisations des victimes d’accidents de la route. Le second but de la loi Badinter est de simplifier les différents processus d’indemnisation en mettant en avant les opérations équitables et amiables. Il faut aussi réduire au maximum les longs contentieux, c’est aussi ce que vise ladite prescription.
Quand s’applique la loi Badinter ?
Voilà une question qui fait tache d’huile, tant elle parait compliquée. En fait, la loi Badinter s’applique lorsque sont réunies certaines conditions. Il faut savoir qu’à la survenue d’un accident, elle s’applique immédiatement, puisque c’est censé être un acte sans volonté. Il y a cependant des détails importants à connaître. Cette prescription de Roger Badinter stipule qu’il faut que l’accident de circulation concerne des voies de circulation privées ou publiques.
C’est une condition à ne pas négliger, car les parkings publics ou privés, les voies privées et les routes publiques sont concernés. Il doit aussi s’agir d’un accident qui a fait au moins une victime et la position du véhicule impliqué importe peu. Qu’il soit stationné, arrêté ou en mouvement, il est concerné.
Autre condition, le véhicule fautif doit être terrestre et équipé d’un moteur, étant donné ce genre d’engin ont une assurance obligatoire. Pour avoir une idée des véhicules concernés par la loi Badinter, faites un checking sur cette liste non exhaustive des véhicules à moteur touchés par la prescription :
- les engins agricoles (tracteurs, moissonneuses-batteuses, bineuses, etc.) ;
- les chasse-neige ;
- les voitures ;
- les engins de chantier et de manutention (bulldozer, chariot élévateur, etc.) ;
- les bus et autocars ;
- les motos ;
- les camions ;
- les scooters ;
- les vélomoteurs ;
- les chariots élévateurs autoporteurs.
Il faut cependant noter que la loi concerne aussi les NVEI (Nouveaux Véhicules Électriques Individuels), même s’il y a encore des flous juridiques. Les personnes équipées de ces engins sont assujetties à une assurance relative à la responsabilité civile, de sorte à couvrir les dommages lors d’un accident faisant des victimes. Dans cette catégorie figurent les vélos électriques, les trottinettes électriques, les hoverboards, les gyroroues, les gyropodes et les longboards. Toutefois, les voitures électriques pour enfant ou encore les tondeuses à gazon, qui sont aussi des véhicules à moteur, ne sont pas concernées par la loi.
Quels sont les usagers de la route protégés par la loi Badinter ?
Selon la loi Badinter, dès qu’un usager de la route se trouve sur une voie de circulation, il est automatiquement protégé. Ce qui sous-entend que les cyclistes, les piétons ou encore les occupants d’une voiture (hormis le chauffeur) bénéficieront d’indemnisations en cas de dommages psychologiques et/ou corporels. Les victimes sont divisées en 2 catégories : les non-conducteurs et les conducteurs.
Les usagers cités en début de paragraphe appartiennent à la première, avec les skieurs, les cavaliers, etc. Ils sont protégés sauf en cas de faute inexcusable. De quoi s’agit-il ? Selon la loi Badinter, on parle de faute inexcusable lorsque la victime de la catégorie non-conducteurs est entièrement à la base de l’accident. Deux cas de figure se présentent et la première concerne les usagers qui provoquent volontairement l’accroc. C’est ce qui arrive par exemple dans les cas de suicide de piétons en pleine circulation.
Le deuxième cas de figure des victimes non excusable fait référence aux usagers qui font des fautes impardonnables en pleine circulation. Par exemple, une personne sur une trottinette qui se permet de passer un feu rouge en sens inverse sur une voie publique. Comme la plupart des règles, la loi Badinter a prévu une exception concernant les victimes dites inexcusables. Ne sont pas concernés :
- les seniors de plus de 70 ans ;
- les usagers invalides à plus de 80 % ;
- les mineurs ayant moins de 16 ans.
Quant au conducteur victime, il ne bénéficie d’aucune indemnisation s’il est en tort. Ce qui est le cas lors du non-respect du Code de la route ou pour un excès de vitesse. Il est dit que tout conducteur est responsable de la direction, du contrôle et de l’usage de son véhicule. Cela dit, il ne peut que compter sur la garantie à laquelle il a souscrit pour couvrir les dommages. Le cas échéant, il paiera de sa poche. Pour mieux comprendre le processus de mise en application de la loi Badinter, voici deux cas pratiques récurrents :
Cas 1 : Un conducteur heurte un piéton sur un passage clouté. La responsabilité du conducteur est présumée, et le piéton peut réclamer une indemnisation en vertu de la loi Badinter.
Cas 2 : Deux véhicules entrent en collision à un carrefour. La responsabilité est partagée entre les conducteurs, et chaque partie peut réclamer une indemnisation proportionnelle à sa part de responsabilité.
Cette prescription vient donc tout simplifier et couvrir de nombreux préjudices.
Quels sont les préjudices couverts par la loi Badinter ?
L’un des buts principaux de la loi Badinter étant de simplifier les indemnisations, elle permet de scinder les préjudices couverts en deux catégories. Nous avons alors les préjudices patrimoniaux et les extra-patrimoniaux.
Les préjudices patrimoniaux
Dans cette catégorie sont rassemblés les dommages qui impactent directement la vie économique de la victime. Certains de ces préjudices sont temporaires tandis que d’autres sont permanents. La première classe concerne les dépenses directes de santé que l’accident a engendrées de même que les pertes financières au niveau professionnel.
La seconde classe prend en compte la couverture des dépenses de santé à venir en rapport avec l’accident et les éventuels préjudices d’arrêt de cours ou de formation. Les futures pertes de revenus professionnels et l’assistance domiciliée figurent également sur la liste des préjudices patrimoniaux permanents qui doivent être indemnisés selon la loi Badinter.
Les préjudices extra-patrimoniaux
Il s’agit ici d’un ensemble de préjudices qui ne sont pas d’ordre pécuniaire. Ce sont entre autres :
- les déficits esthétiques et fonctionnels (temporaires et permanents) jusqu’à la consolidation ;
- les préjudices exceptionnels éventuels ;
- le préjudice sexuel ;
- le préjudice d’établissement.
Il y a en outre la couverture des préjudices qui touchent les victimes indirectes d’un accident et il varie en fonction de l’État de victime directe, vivante ou non. Lorsque la victime directe décède, l’indemnité prend en compte les pertes de revenus des proches, les frais d’obsèques, etc.
Comment se déroule la mise en application de la loi Badinter ?
La mise en application de cette loi se fait en plusieurs étapes dont la première consiste à déterminer la responsabilité de chaque partie impliquée dans l’accident. Selon la loi Badinter, le conducteur responsable de l’accident est présumé responsable des dommages causés à la victime, sauf s’il peut prouver une faute exclusive de cette dernière. Une fois la responsabilité établie, il faudra évaluer les préjudices subis par la victime.
Cela comprend les dommages corporels, les souffrances endurées, les préjudices esthétiques, les pertes de revenus, les frais médicaux et autres dépenses liées à l’accident. La dernière étape est le dépôt de réclamation d’indemnisation auprès de l’assureur du conducteur responsable. La loi Badinter prévoit un délai de prescription de dix ans à compter de la date de l’accident pour déposer la réclamation.
Pour finir, notez que la loi Badinter est, depuis 1985, une solution gagnante qui permet de mieux prendre en charge les victimes d’accident de la route. Il arrive parfois que les parties impliquées ne soient pas d’accord sur la couverture des préjudices. Dans ce cas de figure, il est recommandé de faire appel à un avocat spécialisé en la matière.